CRITIQUE CINÉ / Jurassic World : Le Monde d’à peu près

par | 14 Juin 2022 | Culture

« Alors ça, c’est vraiment un gros tas de merde » nous envoyait laconiquement le Professeur Malcolm en 1993 lors de la cultissime scène du Tricératops malade… Hommage ou non, ce troisième Jurassic World se trouve fait de la même matière. Comme beaucoup, j’ai été bercé par cette saga mythique initiée par l’excellent Steven Spielberg. J’avais cependant peu à peu vu mon amour des dinosaures décliner au cours des décennies et si j’ai pu lever un sourcil d’intérêt à l’annonce d’une nouvelle trilogie dédiée aux terribles lézards, je n’en attendais pas grand chose non plus. Je ne reviendrai pas sur les deux premiers films sortis respectivement en 2015 et 2018 et m’attarderai uniquement sur ce qu’on nous avait promis comme épique, un hommage à la première trilogie et la conclusion mémorable d’une saga, loin s’en faut.

Vous l’avez déjà compris à la lecture de ces lignes : je n’ai vraiment pas aimé et voici pourquoi. Ce billet ne comporte bien sûr aucun spoil majeur, est purement subjectif et n’expose que mon point de vue personnel. Libre à vous de lui avoir trouvé des qualités, voire même de l’avoir trouvé remarquable… auquel cas, vous trouverez probablement Carnosaur 2 Oscarisable et vous invite à vous en procurer la VHS au plus vite.

Jurassic World Il Dominio Film 2022

« Qu’est-ce qu’il y a là-dedans? King-Kong? »

Jurassic Park : Le monde d’après, sorti le 8 juin dernier au cinéma et réalisé par Colin Trevorrow (sur lequel nous reviendrons), se veut la suite directe de Fallen Kingdom, si on excepte une incohérence d’une infinie stupidité qui n’a manifestement pas gênés les scénaristes, eut égard à la probable crédulité du spectateur lambda. Le film n’a commencé que depuis deux minutes et déjà notre main et notre front meurent d’envie de se percuter. Des quelques dizaines de dinosaures échappés du manoir Lockwood, nous nous retrouvons quelques (mois?) années plus tard avec des milliers (ou centaines de milliers) de reptiles éparpillés aux quatre coins du globe. S’est-il passé quatre ans ou deux cents? Comment des Diplodocus ont-ils pu traverser l’Atlantique? Les Tricératops ont-ils détourné un avion? Comment des espèces absentes du manoir sont-elles apparues? Conjonction des Sphères ou satanisme? Mais soyez rassurés, le film ne répondra bien entendu pas à ces questions légitimes et ne s’encombrera pas plus de la moindre cohérence par la suite. Toujours est-il que le réalisateur et les scénaristes nous invitent à cette aventure avec une promesse forte : « mangez, ne posez pas de question et resservez-vous ».

La question du délai écoulé entre Fallen Kingdom et cette suite vite réglée par le retour des personnages précédents à peine plus vieux de quelques mois ou années donc, le paysage se met en place. Le monde doit désormais cohabiter avec les sauriens, soient-ils paisibles ou non, immenses ou plus modestes. Les cowboys attrapent au lasso des herbivores pour les parquer, des activistes libèrent des petits emprisonnés, le marché noir explose et tout un petit univers se met en place sous la caméra du « génialissime » Colin Trevorrow. Tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes et l’on peut aller se promener en forêt comme avant… les carnivores n’attaquant qu’une fois ou deux par an. Sont-ils civilisés tout de même, c’est très aimable de leur part de nous laisser en paix.

Jurassic World 3

« Et bien… nous revoilà… dans la voiture »

Owen et Claire vivent donc reclus dans la fôret avec leur petite protégée Maisie, tandis que Blue, ne se nourrissant que de lapins et d’écureuils idiots et sourds, erre aux alentours de la propriété. L’on découvre alors avec une surprise feinte que Blue est devenue mère! Mais comment? Que? Quoi? Pas grave, c’est « charmant », la créature est mignonne et La Force… pardon, la magie du cinéma et la suspension consentie d’incrédulité doit faire le café. Prions pour ne pas avoir épuisé le stock avant la moitié du film. Maisie vit donc cachée du regard des autres, son ADN renfermant quelque chose de précieux et convoité par de vils individus malveillants, envoyés par un commanditaire démoniaque et anonyme qui prête à rire.

Jurassic World Dominion

« L’Homme détruit Dieu, L’homme crée la sauterelle… » 

C’est à ce moment que le film nous propose son premier gros uppercut testiculaire : la menace ne viendra donc pas de la gueule démesurée d’un énième saurien génétiquement modifié mais de nuées de grosses sauterelles mutantes dont l’apparition reste aussi mystérieuse que dévastatrice. En effet ces hordes dévorent implacablement toutes les cultures de l’état et menacent de s’étendre au pays entier, voire au monde. Toutes? Non! Car des champs résistent encore et toujours à l’envahisseur, des plants boostés aux OGM d’une société nommée BioSyn. Pamphlet écologique ou facilité?

La main décollée du front, nous retrouvons ensuite le Professeur Grant, incarné par l’excellent et inoxydable Sam Neill, sur un site de fouilles. Il sera très vite rejoint par le Professeur Sattler qui vient quémander son aide dans sa lutte contre les insectes. Alan accepte immédiatement car toujours amoureux, trente après, de son ex-partenaire… ainsi en ont décidé les réalisateurs. A des milliers de kilomètres de là, dans la petite maison dans la prair…propriété Pratt, Maisie est enlevée ainsi que le petit de Blue. Owen et Claire se lancent immédiatement à leur recherche. Tout les personnages du film ont désormais un objectif propre et commencent leur aventure. Ce petit monde se retrouvera plus tard au même endroit, centre où Ian Malcolm officie en tant que consultant. C’est ici que je stopperai toute information sur l’intrigue pour me pencher sur la réalisation, le rythme, l’utilisation des personnages et toute autre forme d’indigance ou manque de respect.

« Excusez-moi! Avez-vous projeté d’avoir des dinosaures dans votre parc à… dinosaures? Mmmh? Allo?»

Mettons de côté l’importance exagérée portée aux sauterelles aux dépends des dinosaures et concentrons-nous deux minutes sur ces derniers. Ils sont, rappelons-le, la raison première de ces films. Ces pauvres bougres accomplissent l’exploit à la fois à être très nombreux et à la fois peu valorisés en terme d’intérêt, de capital frisson dans le scénario. Oublions également l’incohérence de leur propagation et le pourquoi d’une telle variété mais je reconnais une certaine générosité dans le panel représenté. Leur réalisation est à la hauteur des attentes et l’on pressent l’utilisation d’animatroniques, apportant un piqué et une crédibilité aux créatures que les effets spéciaux n’égalent pas toujours à notre époque. Ils courent, volent, nagent et sont parfaitement incrustés aux séquences filmées. Sur la technique, le constat est plutôt bon. Leur utilisation en revanche frise le grand n’importe quoi. Ceux-ci sont quasi tous complètement stupides ou inutiles et ne servent que d’accessoires ou d’antagonistes handicapés. Ne sont-ils pas censés être plus rapides, terrifiants? Ne sont-ils pas devenus (pour les carnivores) des machines à tuer ultimes durant ces centaines de millions d’années d’évolution ou ont-ils tout oublié durant leur gestation en éprouvette et ne sont-ils bons qu’à claudiquer en se bavant sur les pieds? Si beaucoup ont ri et ont détourné la scène où Claire sème à la course à pied le Tyrannosaure dans le premier opus, il est fort à parier que ce film regorge de futurs mêmes.

La pseudo véracité scientifique se heurte sans cesse aux besoins scénaristiques bas du front et les sauriens en sont l’illustration. Un exemple aperçu dans les bande-annonces : un carnivore, Vélociraptor ou assimilé, couvert de plumes jusqu’au bout des griffes, telle une danseuse brésilienne un soir de Carnaval, décide pour surprendre les protagonistes et le spectateur docile emplit de douceurs sucrées, de plonger sous la glace et s’y déplace alors avec l’agilité d’une otarie. Ne vous y trompez pas, celle-ci est incroyablement véloce en milieu aquatique et Mère Nature a d’ailleurs pris soin de ne ne pas lui attribuer de plumes ou autres accessoires entravant ses mouvements. Mais ici non! Car dans la vision de Colin Trevorrow, rappelez-vous de l’introduction, les Tricératops franchissent les océans. C’est tout un concept je vous l’accorde mais quelque part, en cherchant, il y a un sens et un lien entre ses idées.

En somme, les véritables stars du film passent au second rang, sont sous-exploitées, souvent pathétiques/apathiques et ne sont présentes que pour une orgie d’effets visuels sans la moindre logique, servant des scènes pseudo angoissantes où tout y est prévisible, téléphoné et où les incessants clins d’œil lourdauds aux opus précédents sont légions et sources de nausée.

« J’ai dépensé sans compter »

Attaquons désormais un autre argument marketing qui verra s’éteindre l’ère des héros : les personnages. Commençons par les survivants de Jurassic World : Owen et Claire. Qu’y a t’il à dire? Leur arc narratif est simpliste, mal exploité et les personnages n’évoluent en rien. Même leur vie avec Maisie n’apporte aucune nuance, aucune profondeur. Chris Pratt est terne, sourcils froncés permanents et ne sert que de bad boy de service aux scènes d’action. Bryce Dallas Howard subit peu ou prou le même sort et passera son temps à courir pour échapper à ses poursuivants en hurlant. Omar Sy fera son petit caméo expéditif, gratuit, subissant une pirouette scénaristique affligeante afin de justifier des scènes d’un mauvais James Bond. Un ou deux autres passeront furtivement une tête histoire de toucher leur cachet tout en évitant leur nom sur l’affiche, un bien judicieux choix.

Evoquons enfin ceux que tout le monde attendait : les trois héros de Jurassic Park. S’il faut reconnaître que la nostalgie fait son petit effet quelques minutes, le traitement qui leur est infligé fait plutôt peine à voir. Autant être direct : ils ne servent à rien. A quoi servent des paléontologues face à une prolifération de sauterelles mutantes? Le vernis est gratté à peine les retrouvailles Sattler-Grant amorcées. Leur idylle aura duré trente ans dans les fantasmes du réalisateur et Alan suivra Elie sans réelle motivation autre que l’Amour au cours de leur quête pseudo aventure-espionnage Netflix.

Certes ils sont poursuivis par les carnivores pendant une partie du film mais aucune scène n’a véritablement de sens ou de relief et l’on sent uniquement le côté marketing de la chose. Je n’ai rien contre le retour d’anciens personnages mais si leur utilisation maladroite déçoit le fan et l’affect qui leur porte, ça ne reste que du salopage en bonne en due forme, sans même tenter une seconde de dissimuler l’aspect marketing et mercantile de leur présence.

Les personnages secondaires oscillent entre l’inutile et le gratuit. L’on vient à se demander si ce trop large éventail de personnalités ne sert pas uniquement à apporter une profondeur artificielle à un film aussi bête qu’un carnivore qui ne réagit pas en voyant des humains courir et, oui, vous le verrez à l’écran. En somme des personnages auxquels on voudrait s’attacher mais pour lesquels rien n’a été écrit d’intelligent ou de touchant. C’est bien peu de chose pour s’imaginer être émus par leur sort ou les enjeux. Il s’agit en somme du syndrome Leïa / Han de la postlogie Star Wars dont, et vous l’avez compris, Colin Trevorrow a été co-scénariste et réalisateur, ça ne s’invente pas.

Le grand méchant quant à lui, vous reste à découvrir mais bien malin celui qui se rappellera de son nom ou même de son visage une fois rentré chez lui. Cumulez un mauvais scénario et une erreur de casting pour ce genre de film et vous obtiendrez l’antagoniste insipide ultime, ce qui reste un exploit.

« Et bah, pas étonnant que ta race ait disparu »

La bande son quant à elle tient davantage de la fainéantise que de la médiocrité, le thème principal de la saga surgissant à chaque apparition de dinosaure au point où l’on en vient vite à en être lassé.

Les dialogues sont pour le moins indigestes et très peu d’échanges semblent avoir été écrit à l’avance. Mention spéciale néanmoins à quelques remarques bien senties du Professeur Malcolm qui amène le spectateur, non plus à rire jaune du spectacle navrant qui se déroule devant ses yeux, mais à rire de la pertinence de ses propos soulignant les absurdités du film, un bris de 4e mur facile mais qui touche.

Au final, une ambiance sonore oscillant entre silences, thème principal de John Williams élimé et quelques thèmes oubliables épars pour un résultat très moyen mais qui fera l’affaire à défaut de mieux.

« Je crois que je hais cet homme »

J’ai donc détesté cette proposition d’un amateurisme affligeant. Colin Trevorrow n’a rien, mais alors rien compris à la saga Jurassic Park. J’y ai vu un bête film d’action, d’espionnage maladroit. J’ai pris comme un soufflet la ridicule utilisation de personnages désormais mythiques et, quitte à aborder le sujet de la désacralisation, sachez qu’un traitement plus ignoble encore que dans les précédents « World » a été fait à la créature la plus emblématique de la franchise, ce Roi du Crétacé qui fait l’emblème de la série, notre regretté T-rex. En voyant ses scènes, j’ai ressenti autant de peine et compassion que pour un élève timide de 6e qui se ferait victimiser par des grands de 3e. Minable.

Enfin et pour clore cet exutoire, l’abondance de copier-coller de scènes d’autrefois, de clins d’œil lourds aux tenues, situations, dialogues cultes n’en fini pas de vous éclabousser de la première minute à la dernière d’un film qui m’aura semblé interminable, au point de vouloir partir en pleine séance et n’être resté que pour attendre un éclair de génie qui sera resté lettre morte. Quand je pense à tout ce que ce film aurait pu être. Pourquoi ne pas avoir développé l’aspect cohabitation Homme-créatures au-delà de quelques jolis plans? Il y avait quelque chose à faire, vraiment. Je n’en attendais rien… j’ai rarement été autant déçu. « Grant au pays des sauterelles » bientôt en précommande sur Amazon, ce sera sans moi. Le film se perd en chemin (au début même de celui-ci), contredit certaines informations antérieures (Maisie et Barry), ne dénonce rien ou le fait mal. Par pitié, arrêtez les plans où les héros s’échappent à la dernière seconde de la gueule béante d’un carnivore, ça ne surprend plus personne, c’est répété à chaque scène d’action. Assez de ces facilités de mise en scène usées jusqu’à la moelle. On sait depuis le premier volet de cette trilogie que personne d’important ne mourra et que seuls les éphémères seconds couteaux et le gros vilain seront croqués. C’est acquis, on le sait, cela fait partie du cahier des charges. Surprenez-nous autrement ! Faîtes preuve de créativité.

Colin Trevorrow, peu expérimenté, n’aurait clairement pas du être consulté. Ni le scénario ni la mise en scène ne tiennent la moindre promesse sinon celles de revoir notre trio de héros et d’apercevoir des dinosaures. Ce film ne clôture pas la trilogie selon moi, il ferme la page de la passion que je portais pour les dinosaures à l’écran.

Je vous invite bien entendu à vous faire votre propre avis car il est évident que tous ne partageront pas cet avis, encore une fois subjectif. Si vous évitez internet ces dernières semaines, sachez que la tendance critique est relativement unanime sur la qualité de ce film et, dans une certaine mesure, je suis rassuré de ne pas avoir à défendre un avis enthousiasmé face à la nuée de critiques et spectateurs déçus.

« Le grand Timmy… qui s’est pris pour un toast »

Quid de la 4DX ? Car oui, quitte à manipuler des matières fécales, autant la sentir et s’en asperger. Il faut reconnaître que la 3D est correcte mais manque un peu de profondeur (car non native), les effets dits d’« immersion » sont assez convaincants. Les balles sifflent aux oreilles, les pas font vibrer le sol, les éclaboussures diverses nous atteignent : la mission est somme toute remplie. Attention néanmoins : si vous êtes fragile du dos ou diminué de quelque manière, les chocs en revanche sont vraiment costauds. Entre les coups des dinosaures, les tonneaux des véhicules, les coups portés lors de combats, vous serez sacrément secoués, et ce tout du long. Ludique au début, cela devient rude au bout de deux heures de séances. En revanche si vous adorez être dans le tambour de la machine à laver en mode essorage, vous serez aux anges.

Si je devais attribuer des notes, voici ce que je donnerai :

6/20 // (avec 4DX 8/20)

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