Japon, XIIIe siècle. La première invasion mongole bat son plein et l’île japonaise de Tsushima attire à son tour la convoitise de ces hordes sanguinaires. Les seigneurs de l’île se regroupent alors pour repousser à la mer les envahisseurs. Menés par le seigneur Shimura, les samouraïs surplombent la baie et un océan noir d’embarcations de guerre. Une provocation de trop et le signal est donné, chacun hurle à pleins poumons sa détermination, le bataillon s’ébranle, les bannières sont brandies et les défenseurs déferlent en contrebas sur les positions ennemies. L’honneur et la volonté, aussi solides soient-ils, ne suffisent hélas pas face à la multitude et c’est un véritable massacre qui se déroule en ce lieu, voyant s’éteindre les derniers combattants des clans japonais et disparaître la noble tradition samouraï. L’avancée mongole semble désormais aussi inéluctable qu’implacable et l’avenir s’annonce bien sombre pour les habitants terrifiés de Tsushima. Un homme exsangue se relève pourtant du charnier. Il s’agit de notre protagoniste Jin, neveu du seigneur Shimura et dernier représentant du clan Sakai.
Nouvelle licence du studio Sucker Punch, Ghost of Tsushima est édité par Sony et sorti le 17 juillet 2020 sur PS4, puis dans une version Director’s Cut sur PS5 en août 2021.
Il prend la forme d’un jeu d’action en monde ouvert, avec l’habituelle composante jeu de rôle tant pour les tenues que les compétences, améliorables grâce aux points d’expérience acquis lors des combats et missions, que par les ressources récoltées lors de vos périples et nécessaires à l’achat ou amélioration d’armes et équipements.
L’île de Tsushima
D’une technique exemplaire, le jeu fait la part belle aux environnements, urbains et ruraux, d’un Japon fantasmé. La météo y est dynamique et les cycles jour-nuits présents. Déjà fringuant sur console dite « old gen », il devient visuellement incroyable dans sa livrée PS5. Les effets de lumières, volumétriques (brume, brouillard) et profondeur de champ s’en trouvent réellement magnifiés, augmentés et l’on prend plaisir à déclencher à tout va le mode photo, accessible via une simple pression sur la croix directionnelle de la manette. Les environnements sont variés, tant en arpentant la campagne qu’en traversant une bourgade ou un fort. Tout dans ce jeu transpire le savoir-faire, le talent, l’amour de cette culture, la compréhension de cet univers rustre, teinté d’un mysticisme et d’un respect de la nature qui aujourd’hui nous fait tant défaut.
Dans GoT, la carte est grande, très grande mais elle a aussi le mérite de ne pas être artificiellement surchargée, à l’inverse d’autres productions. Les espaces vides, les champs parcourus, les forêts traversés n’offrent parfois que la vision de cerfs paissant paisiblement, la poésie et le calme des lieux nous berçant dans ce lieu et cette époque. L’on se laisse souvent aller à trotter ou chevaucher calmement vers notre prochain objectif sans savoir si, au détour d’un bosquet un fermier ne nous réclamera pas de l’aide ou si une patrouille mongole ne nous attaquera pas. Le jeu ne s’encombre pas d’éléments visuels inutiles, le sempiternel radar étant d’ailleurs ici remplacé par un vent directeur, suivant le point d’intérêt saisi au préalable sur la carte et soufflant à l’envi par un simple mouvement de doigt sur le pavé tactile de la manette. Cette astuce est maligne et novatrice, car le regard se porte désormais sur l’horizon plutôt que sur un coin de l’écran, l’immersion avant tout.
La spiritualité et l’honneur sont des éléments essentiels pour les habitants de cette île. La caste des samouraïs en étant d’ailleurs les fiers et valeureux représentants. Jin sera ainsi confronté à de cruels dilemmes lorsqu’il réalisera que pour prendre le dessus sur cette invasion, il devra renoncer aux valeurs enseignées et s’abaisser à l’assassinat furtif et autres méthodes douteuses.
C’est de cette manière peu orthodoxe qu’il instillera peu à peu la peur dans le cœur des mongols, forgera sa légende de « fantôme » et libérera sa terre.
Les missions de Jin
Concernant les objectifs, ils seront nombreux et découpés en chapitres, les missions principales se jouant parfois en différents endroits et différentes temporalités. D’autres, plus anecdotiques, apparaitront de manière plus classique sur la carte sous forme de points d’intérêts représentés par un point d’interrogation. Nous trouverons pêle-mêle des camps mongols à détruire, des temples à explorer, des sources chaudes, des esprits à suivre, des points d’entraînement… Tout en laissant un peu de mystères autour de ces activités, sachez qu’elles vous permettront d’obtenir des ressources, des charmes octroyant des compétences ou effets, d’allonger la barre de vie… en somme de quoi améliorer votre équipement et vos techniques.
Armes et équipements
L’équipement aura d’ailleurs une place importante dans vos exploits. Les tenues se trouvant soit via le récit soit via l’exploration et les missions annexes, elles sont variées et couvrent un panel allant de la tenue de Ronin à l’armure d’un samouraï légendaire. Optimisables via des teintes, elles peuvent également être renforcées en dépensant ses matériaux auprès d’un artisan. D’autres vous proposeront de faire de même avec vos lames, vos arcs et vos armes de lancer. Passer des niveaux avec l’expérience acquise vous permettra de gagner des points de compétence à dépenser dans l’onglet technique et apprendre ou débloquer de nouveaux coups, de nouvelles postures et devenir ainsi plus létal que jamais.
Les combats
Limitées au début de notre quête, les joutes gagnent vite en intensité et en complexité à mesure que les techniques s’étoffent et que les compétences se débloquent. Les adversaires se feront plus forts à mesure que vous vous enfoncerez en territoire ennemi. Des postures seront également à déverrouiller via l’expérience accumulée et vous proposeront de tout nouveaux styles de combats et enchaînements, à même de faciliter vos affrontements avec certains types d’ennemis (brutes, boucliers, lancers, …).
Les combats de boss se feront quant à eux sous forme de duels. Plus retors et disposant d’une jauge de vie beaucoup plus imposante, il vous faudra pour vaincre ces adversaires, temporiser le combat, jauger l’attitude de votre opposant et frapper ou esquiver très vite. Très intéressants, ces combats sont de vrais défis nécessitant de parfaire votre technique. Nous avons apprécié ces challenges et leur mises en scène théâtrales.
Bande son
Nous ne saurions que vous conseiller très fortement le doublage japonais, intelligemment proposé et rehaussant incroyablement le niveau d’immersion du titre. Le doublage français est certes convaincant, mais selon nous la VO reste de loin le meilleur choix. Les musiques quant à elles sont discrètes et ne se déclenchent que ponctuellement, appuyant pour l’occasion une scène dramatique ou héroïque. On retiendra le thème principal du jeu, aux sonorités traditionnelles et mélancoliques.
Les + de l’édition Director’s Cut
Le studio a ajouté peu après la sortie du jeu une composante multi-joueurs à son titre que nous n’avons essayée que brièvement, nous ne nous éterniserons donc pas dessus. Reconnue par la presse et les joueurs comme étant de qualité, elle est cependant dispensable tant le jeu solo reste le cœur de l’expérience. Elle propose toutefois un contenu solide : de la coopération jusqu’à 4 joueurs, des classes, du loot, des missions variées à la rejouabilité certaine, des défis ponctuels etc. Une jolie plus-value pour qui aimerait croiser le fer aux cotés de ses amis.
Le plus gros morceau reste l’ajout d’une nouvelle île, celle d’Ikki. Elle propose une aventure scénarisée et pléthore de défis, dans une ambiance d’introspection et de traumas de Jin, contre de tout nouveaux ennemis et davantage de mysticisme. Une aventure rafraîchissante d’une dizaine d’heures, s’ajoutant à la durée de vie déjà colossale du jeu de base.
Notre verdict
Sans être une révolution dans l’univers saturé des jeux à monde ouvert, Ghost of Tsushima se pose néanmoins d’emblée comme mètre étalon. Visuellement rafraîchissant et techniquement impressionnant, il nous immerge dans un monde féodal criant de réalisme, cruel mais poétique, nous donnant envie de nous y attarder, d’y retourner et d’en apprécier l’ambiance, de jouir de l’efficacité d’une technique létale nouvellement apprise comme de savourer trotter dans les champs de fleurs au soleil couchant. Sa poésie et sa violence nous enveloppent, et avec ceci l’envie irrépressible d’accomplir cette quête jusqu’au bout, en nous laissant aller à nous perdre sur la carte.
Il n’est pas exempt de défauts certes (bugs de collision, caméra) mais ils sont si rares et dérisoires face à l’immensité du travail fourni que nous ne lui en tenons pas rigueur.
Il est amusant de constater la réaction de quelques éditeurs japonais vis à vis du titre à sa sortie, l’accueillant chaleureusement pour ses qualités et son thème mais les ayant pour certains légèrement frustrés, un studio occidental ayant réussi mieux que jamais à retranscrire cette époque et sa morale, saisissant la poésie et le mysticisme propres à la mythologie des samouraïs. Un bel hommage s’il en est, et une jolie reconnaissance du travail de Sucker Punch. Voilà pourquoi, chez Game Masters, nous lui accordons cette excellente note.
Ce test a été réalisé sur Playstation 4 et 5. Toutes les captures illustrant l’article ont été réalisées par la rédaction de Game Masters.
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