Si à l’annonce du développement de Plague Tale: Requiem, certains joueurs – dont votre serviteur – ont pu rechigner à l’annonce d’une suite à l’épisode initial, très vite les bande-annonces et promesses de voyage, d’artisanat amélioré, de combats plus techniques et surtout du dénouement de l’histoire ont suscité l’intérêt des plus sceptiques. C’est dans cet état d’esprit de fascination pour l’opus précédent mais de réserve vis à vis de cette suite que nous nous sommes lancés dans l’aventure. Ce test ne contient aucun spoil majeur et part du postulat que vous avez déjà joué à Plague Tale: Innocence (dont nous invitons à lire le test sur notre site). Qu’en avons-nous pensé ? La rédaction vous propose ci-dessous ses retours sur la version PlayStation 5 du jeu.
« Tu es un De Rune, ne l’oublie jamais »
En préambule, rappelons que la saga conte le périple d’un frère et d’une sœur, Amicia et Hugo De Rune, tentant de trouver une solution à la malédiction contenue dans le sang du jeune garçon. Celui-ci est porteur de la Macula, un mal millénaire qui voit son hôte perdre la raison et répandre la mort autour de lui via des hordes de rats voraces. Le premier volet traitant de la traque par l’Inquisition et de la quête d’un remède se concluait par une paix retrouvée, une légère rémission d’Hugo et la promesse d’une vie meilleure.
Six mois après les évènements contés dans le premier opus, nous retrouvons les frère et soeur en Provence, où leur quête d’un remède à la Macula les a conduits. Sous le soleil écrasant du sud de la France, nos protagonistes sont hélas vite rattrapés par leurs démons : l’Ordre, les manifestations de la Macula et la violence de cet univers. Investie de son rôle de Protectrice du Porteur, Amicia mènera son petit frère à travers le Royaume de France en quête d’un lieu rêvé par Hugo sous l’influence de la Macula.
Fort du succès critique et commercial de son titre précédent, le studio français Asobo s’est littéralement démené pour cette suite. L’aventure y est plus longue, la difficulté accrue, les lieux visités plus variés et exotiques, les possibilités plus nombreuses, et les nouveaux antagonistes plus fanatiques que jamais.
« Attrape ma main Hugo, vite ! »
Les phases de gameplay sont toujours aussi variées, alternant furtivité, combats, courses éperdues et promenades contemplatives. Si l’on s’étonne de la mollesse des actions contextuelles (QTE) impossibles à rater, on retrouve par ailleurs un équilibre relativement bien dosé lors des autres séquences, excepté peut-être lors des joutes en arène sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement.
L’interface des armes et projectiles se voit améliorée. Plus intuitive, la roue de l’inventaire est accessible via la pression d’une touche et permet au cours d’une rixe de créer à la volée de nouveaux mélanges alchimiques et de changer d’arme de jet. Très utile, vous saurez apprécier cette refonte lorsque vous devrez improviser dans une arène de combat où différents types d’adversaires se rueront sans discontinuer sur vous.
Les établis servant à améliorer l’équipement via les matériaux collectés sont toujours présents à intervalles réguliers. Les évolutions effectuées permettront de tirer plus vite, de transporter davantage de ressources, et d’autres possibilités encore que nous vous laissons découvrir. De nouveaux collectibles sont à récupérer dans les niveaux, prenant cette fois-ci la forme de souvenirs ou de plumes d’oiseaux. Nous sommes en terrain connu assurément, ce qui n’est pas pour nous déplaire.
Les contrôles des personnages n’ont hélas que peu évolué depuis Innocence. Il y a toujours une certaine latence lors de demi-tours ou certains départs de course, pouvant mener à un échec. Nos protagonistes ont également hérité d’un autre mal : la propension à se retrouver bloqués par le moindre seau ou pierre au sol. Cela s’avère frustrant car certaines séquences nécessitent un temps de réaction vif pour esquiver lance, flèche ou nuée de rats.
La manette de Sony apporte un plus non négligeable à l’expérience, renforçant les sensations vécues par de subtiles vibrations de la Dualsense. On ressent littéralement les pulsations cardiaques d’Amicia ou des adversaires, les tremblements du sol et jusqu’à la pluie sur le dos des personnages. Cette utilisation est pertinente, certes sans réelle surprise, mais réussie et immersive.
« Vous en voulez encore ? Salauds ! »
L’action tient une place importante dans l’aventure. Si le jeu fait la part belle à la surenchère sous toutes ses formes, cela prévaut lors des combats. Les ennemis y sont plus variés, plus véloces mais surtout plus nombreux. A ce titre, les affrontements tiennent parfois de la corvée tant les adversaires nous submergent et les ressources ou munitions se font rares et éparses. Les compétences offensives de nos opposants ont évolué à l’instar de celles d’Amicia, et ce sont des armes de jet, des grenades incendiaires et autres surprises qu’il vous sera demandé d’éviter alors même que vous fuirez des soldats cuirassés.
Il sera alors essentiel de profiter des possibilités offertes par l’environnement. Celui-ci propose davantage d’interactions à exploiter lors des rixes : tonneaux de feu grégeois, sacs de salpêtre ou jarres de poix. Indispensables, elles permettent d’éliminer plus d’adversaires en un coup ou de pallier le manque de ressources dans l’inventaire.
Armée de sa fidèle fronde, Amicia pourra également compter sur une arbalète, sur laquelle il sera aussi possible de monter des carreaux aux particularités alchimiques (Ignifer pour allumer des feux, Extinguis pour les éteindre, Odoris pour détourner les rats, etc.) ainsi que sur des couteaux, malheureusement à usage unique, servant à éliminer un ennemi instantanément. La rareté de cette dernière arme vous incitera à les économiser, pour un dernier recours en combat ou le forçage d’un coffre rare.
Il est intéressant de noter que de nouvelles compétences font leur apparition, se débloquant au fur et à mesure de l’aventure et selon votre manière de jouer. Que vous appréhendiez le jeu de manière furtive ou plus frontale, différentes capacités se débloqueront avec l’expérience : marche plus silencieuse, capacité à étourdir les ennemis plus longtemps, etc.
Nous découvrons aussi la présence de nouveaux alliés dont nous tairons la nature. Ils sauront vous épauler lors des combats ou phases de furtivité, par le biais de diversions ou éliminations brutales. S’inscrivant naturellement dans le scénario et intervenant ponctuellement sur nos ordres, ils amènent un peu de fraîcheur dans l’aventure et permettent d’appréhender les zones traversées de manière originale.
« Hugo, tire le levier »
Si certaines énigmes de Plague Tale premier du nom ont su rester dans la mémoire des joueurs, c’est grâce à leur intelligence. Judicieusement disséminées dans l’aventure, elles réclamaient astuce, observation et doigté pour les résoudre et pouvoir progresser.
Ici, hélas, les puzzles se font plus rares, moins créatifs et plus assistés. Le premier d’entre eux est littéralement gâché par un allié qui nous apporte la réponse, sans même nous laisser appréhender les lieux, les mécanismes, ni amorcer le moindre processus de réflexion. C’est regrettable et nous aurions aimé retrouver la qualité d’antan.
« J’ai l’impression d’être immense vu d’ici »
S’il est bien un aspect sur lequel l’épisode précédent n’avait pas à rougir face à la concurrence, c’est bien sur la Direction Artistique, et cet opus élève encore le niveau. Si la technique peut parfois s’avérer un brin décevante (textures, scintillements), la beauté des panoramas, la gestion des éclairages ou l’architecture des niveaux sont à couper le souffle. Transportés en plusieurs contrées, nos héros traverseront des paysages variés, du plus champêtre au plus lugubre, et ce sous différentes conditions climatiques, de nuit comme de jour, sur terre comme sur mer.
Le effets de lumière sont incroyables, qu’il s’agisse du soleil cuisant de Provence filtrant à travers des branches d’oliviers ou de la lueur vacillante d’une torche sur la voûte d’une crypte.
« Tu entends Amicia ? De la musique ! »
Tel son prédécesseur, cet opus se trouve sublimé par les compositions musicales. Si le titre phare est utilisé à tout va, il reste puissant et suffisamment ré-arrangé au gré des circonstances et évènements pour éviter la lassitude. Il contribue avec toujours la même efficacité à véhiculer des émotions. Les compositions d’Olivier Derivière font mouche à nouveau. Une fois de plus nous vibrons, frissonnons et vivons les mésaventures de nos héros torturés avec une force qui impose le respect, avec une mention spéciale aux choeurs magistraux qui rendent certaines scènes épiques. Cet excellent travail est sublimé par le Chœur Philarmonique d’Estonie.
Le doublage est quant à lui plutôt convaincant et l’on retrouve avec plaisir les voix emblématiques de la saga au cours de dialogues hélas parfois peu inspirés.
« Amicia ? Je les entends… ils arrivent ! »
Amis musophobes, fuyez ! Les rats sont de retour, plus nombreux que jamais. Le jeu se voulant la continuité quasi directe du précédent, vous devriez déjà connaître leur place dans le scénario, leur comportement et leur furie dévastatrice. Vous aurez affaire à ces masses grouillantes à maintes reprises tout au long de la quête d’Amicia et Hugo. Leur nombre augmentera de manière exponentielle jusqu’à de véritables raz-de-marées à même d’engloutir des quartiers entiers.
L’on regrettera une gestion des foules de rats parfois imprécise et la présence de rongeurs dans des lieux censés n’en contenir aucun, vous bloquant le passage ou vous cueillant sans raison pour une mort des plus injustes.
Nous pouvons là aussi espérer un correctif au lancement, mais en l’état cela s’est avéré particulièrement frustrant à plusieurs reprises.
Les capacités qu’ont développé le porteur de la Macula, le jeune garçon, se sont vu étoffes et nous vous laissons là encore le plaisir de découvrir de quoi il retourne.
« Je t’aime Amicia »
Contrairement à la définition du mot latin « requiem », ce Plague Tale est plus sombre, plus violent, plus orienté action. Il se veut de ces suites qui jouent la surenchère sur tous les aspects. La quête ici contée sonne juste malgré quelques errements ou lenteurs, et l’on en vient à bout avec un plaisir certain. Le frisson de la découverte d’Innocence, le titre précédent, reste encore présent dans les esprits, et l’on parcourt cette suite en terrain connu sans réelle surprise mécanique ni scénaristique, tant certaines ficelles semblent usées jusqu’à la corde. La prédominance des scènes de combat et leur difficulté ralentissent la progression et nous ont semblé casser le rythme du jeu.
Nous ne saurons que conseiller fortement aux joueurs découvrant la licence de commencer par l’opus « Innocence », sans quoi le jeu vous semblera obscur, et vous risqueriez de ne pas en saisir tous les enjeux, la psyché des personnages, leurs origines, et le chemin de croix qui est le leur. Le jeu ne s’encombre que peu de rappels ou souvenirs, et estime dès le début que vous en connaissez les codes et les enjeux, ce qui peut nuire légèrement à l’expérience pour les non-initiés.
Néanmoins, ne nous y trompons pas, cette suite quoique imparfaite est à la hauteur des attentes et se trouve être la digne héritière du titre original. Une aventure touchante, épuisante, dont on ne ressort pas indemne.
Comptez entre quinze et vingt heures pour boucler les dix-sept chapitres du jeu au mode de difficulté normal. Le jeu sort le 18 octobre 2022 sur Windows, Xbox Series, Game Pass, PlayStation 5 et Nintendo Switch (Cloud).
Un très bon jeu en soi, une suite convaincante, Plague Tale: Requiem est une aventure sans concession, éprouvante et touchante. Pour toutes ces raisons, la rédaction de Game Masters lui accorde la note suivante.
Ce test a été réalisé sur la version PlayStation 5, certaines améliorations seront apportées par un correctif disponible le jour même du lancement. Les images illustrant l’article ont été fournies par Asobo Studio.
Merci pour le test, j’avais adoré le premier et les musiques d’Olivier Derivière. Il me tarde de pouvoir fouler ces Terres Provinciales 🙂
Je t’en prie Stefan, amuse-toi bien, l’aventure en vaut clairement la peine 😉